Nous avons rencontré Mgr Schneider, évêque auxiliaire d'Astana au Kazakhstan. Il vient de publier aux éditions ContretempsCorpus Christi. La communion dans la main au cœur de la crise de l'Église et s'exprime régulièrement sur la situation de l'Église.

Il va donner deux conférences :

  • À Versailles, en partenariat avec l'AVANDA, samedi 6 décembre à 20 h 30, Université Inter-Âges 6, impasse des gendarmes. Participation libre aux frais.
  • À Paris, mardi 9 décembre à 20 h 30, amphithéâtre de l'ASIEM 6, rue Albert de Lapparent, Paris 7 M° Ségur, Sèvres-Lecourbe, St François-Xavier. Participation aux frais : 7 € - tarif réduit (adhérent RC ; étudiants) : 4 € 

Excellence, même si beaucoup de lecteurs vous connaissent déjà, pourriez-vous vous présenter ?

Athanasius Schneider : Je suis né en 1961 au Kirghizistan, état de l'ancienne Union Soviétique, dans une famille catholique allemande. Mes parents sont des Allemands de la mer Noire mais originaires d'Alsace près d'Haguenau. Après la Seconde Guerre mondiale mes parents furent déportés, dans des conditions inhumaines, par Staline dans l'Oural pour des travaux forcés. C'est grâce à la foi catholique que mes parents ont survécu ! J'ai eu le privilège de recevoir cette foi pour ainsi dire avec le lait maternel en même temps que les sacrements et de vivre ma vie chrétienne dans une Église clandestine. Puis, par une grâce spéciale de Dieu, nous pûmes émigrer en Allemagne. En 1982 je suis entré dans l'Ordre des Chanoines Réguliers de la Sainte-Croix, en Autriche, avant d'être envoyé en mission au Brésil, où j'ai reçu l'ordination sacerdotale en 1990. En 1997, j'ai obtenu un doctorat en patrologie à Rome. À partir de 1999 j'ai e nseigné la théologie au séminaire inter-diocésain de Karaganda, au Kazakhstan. En 2006, j'ai été nommé évêque auxiliaire de Karaganda et, en 2011, évêque auxiliaire de l'archidiocèse de Sainte-Marie à Astana, capitale du Kazakhstan. Actuellement je suis secrétaire général de la Conférence des évêques catholiques du Kazakhstan et président de la commission liturgique.

Le sujet de votre livre est la Communion dans la main. N'existe-t-il pas des questions plus urgentes à traiter aujourd'hui dans l'Église que celle de la communion dans la main ?

A. S. : Effectivement il semblerait qu'existent dans l'Église des questions plus urgentes à traiter que la communion dans la main, cependant il ne s'agit que d'une apparence. En effet l'Église vit aujourd'hui une véritable tragédie car a été éclipsée, mise au second plan et donc banalisée la réalité centrale dans l'Église et sur la terre : le Très Saint Sacrement de l'Eucharistie.

 

Le Concile Vatican II nous a rappelé cette vérité : « L'Eucharistie est la source et le sommet de toute la vie chrétienne » (Lumen gentium, 11) et « La sainte Eucharistie contient tout le trésor spirituel de l'Église » (saint Thomas d'Aquin, Somme théologiqueIII, q. 65, a. 3 à 1), « à savoir le Christ lui-même » (Presbyterorum ordinis, 5). L'Eucharistie et la sainte Communion ne sont pas une chose, même la plus sainte, mais une personne : Jésus-Christ lui-même. Tant que l'adorable personne du Christ, cachée sous les humbles espèces sacramentelles, sera traitée d'une manière aussi banale, indélicate et superficielle qu'aujourd'hui il ne pourra se produire un vrai progrès spirituel dans l'Église. Si le cœur de la vie de l'Église est l'Eucharistie, quand la manière de la traiter devient manifestement défectueuse le cœur même de la vie de l'Église s'affaiblit. Et quand le cœur est faible, toutes les activités du corps deviennent moins efficaces. Si nous ne prenons pas au sérieux l'exigence de la foi eucharistique, c'est-à-dire la disposition de l'âme dans l'état de grâce et la manière hautement sacrale de traiter Notre Sauveur et Dieu au moment de la Sainte Communion, nous continuerons à vivre dans une situation à laquelle s'appliquent ces paroles de Dieu : « Si Dieu ne bâtit la maison, ceux qui la bâtissent travaillent en vain&nbs p;» (Ps 127, 1). Bien sûr il existe des questions très importantes dans la vie de l'Église contemporaine : la transmission, dans toute sa pureté, de la foi catholique dans les vérités centrales du dogme et de la morale par le moyen de la catéchèse et du témoignage public, l'urgence de défendre la vie humaine (contre la plaie de l'avortement), la famille (contre le divorce, le concubinage, la polygamie), la nécessité de redécouvrir le sens naturel de la sexualité humaine (contre l'idéologie néo-marxiste du genre). Tous ces engagements, nécessaires et urgents, seraient certainement plus efficaces et mieux bénis de Dieu, si l'Église accordait d'une manière très concrète la plus grande attention au Seigneur eucharistique notamment dans la Sainte Communion.

Quelles sont les principales difficultés soulevées par la Communion dans la main ?

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A. S. : Parmi les principaux problèmes soulevés par la Communion dans la main il faut d'abord signaler les deux faits les plus graves. Tout d'abord une perte importante de parcelles de la Sainte Hostie qui tombent sur le sol où elles sont piétinées, ensuite le nombre grandissant de vols d'hosties consacrées. De plus l'absence quasi-totale de gestes manifestes d'adoration et de sacralité au moment de la distribution et de la réception de la sainte Communion entraîne, avec le temps, une diminution et même une perte de la croyance en la présence réelle et en la transsubstantiation. Le geste moderne de la Communion dans la main – substantiellement différent du geste analogue dans la primitive Église – contribue à la banalisation et même à la profanation non seulement de la réalité la plus sainte, mais de la Personne la plus sainte qui est Notre Seigneur et Dieu Jésus-Christ. La foi en la centralité du mystère eucharistique et par conséquent du mystère de l'Incarnation est très nettement éclipsée par cette pratique liturgique. Quelques illustrations de l'éclipse de la foi eucharistique peuvent nous aider à saisir cette réalité. Martin Luther, par exemple, soupira et pleura quand quelques gouttes du sang du Seigneur tombèrent sur un banc de communion. Combien de prêtres et de fidèles se mettraient à soupirer et à pleurer en nettoyant les lieux, où sont répandues des parcelles de la Sainte Hostie ? Quand, par exemple, dans une synagogue le livre de la Torah tombe par accident sur le sol, la communauté juive concernée observe une journée de jeûne et de pénitence. Combien de paroisses catholiques jeûnent et font pénitence, quand des parcelles eucharistiques tombent sur le sol ou sont volées ? R appelons-le : de la foi et de la pratique eucharistiques dépend aujourd'hui le sort de l'Église.

Quelles seraient les solutions pour revenir à la pratique traditionnelle de réception de la Sainte Communion ?

A. S. : Il faut, bien sûr, procéder par étapes. Parmi les fidèles qui reçoivent la sainte Communion dans la main, la majorité use de cette pratique en totale bonne foi. Les uns agissent par docilité, obéissance, parce que le curé ou même l'évêque l'ont conseillé ou imposé ; d'autres, et c'est peut-être la majorité, agissent par habitude et conformisme sans aucune réflexion. Il existe cependant probablement aussi des personnes qui communient ainsi parce qu'elles ne croient pas en la présence réelle. Notons enfin que certaines personnes communient dans la main avec une foi et une dévotion profondes motivées par des préférences subjectives, oubliant malheureusement les conséquences objectives nocives de cette pratique liturgique. Voici quelques suggestions de solutions. Premièrement il faudrait, fréquemment, donner aux enfants et aux adultes une catéchèse et une prédication intégrale et précise sur l'Eucharistie et spéciale ment sur la grandeur et la sublimité du moment de la Sainte Communion. Ensuite, il faudrait expliquer concrètement les dangers réels et fréquents de la perte et du vol des parcelles eucharistiques, mettant en évidence surtout le fait horrible que Notre Seigneur Eucharistique dans d'innombrables églises dans le monde est piétiné par les fidèles. Puis il faut informer les fidèles que la Communion dans la main est une exception à la loi liturgique, dite indult, insistant en même temps sur le fait que la Communion sur la langue et à genoux est la règle. Ceci exige logiquement de mettre un prie-Dieu, un banc de communion ou mieux encore une balustrade à disposition des fidèles afin de ne pas discriminer ceux qui ont le droit de recevoir la sainte Communion sur la langue et à genoux. Une autre mesure utile serait que l'évêque diocésain publie une lettre pastorale spécifique sur l'Eucharistie et la sainte Communion invitant instamment et de manière argumentée les fidèles à recevoir le Seigneur Eucharistique sur la langue et à genoux. Le Saint-Siège devrait faire la même chose vis-à-vis de tous les évêques et de tous les diocèses du monde. Le dernier pas dans un tel processus serait la prohibition formelle de la pratique de la Communion dans la main.

Quel accueil a reçu cet ouvrage parmi vos confrères évêques et à la Curie ?

A. S. : Mon ouvrage a reçu un bon accueil du pape Benoît XVI. Quand je lui avais envoyé mon premier livre Dominus est, il m'avait écrit une lettre autographe, où il disait entre autres choses que mes arguments étaient convaincants. J'ai également envoyé Corpus Christi avec une lettre d'accompagnement au Pape François et la Secrétairerie d'État m'a répondu au nom du Pape : « Sa Sainteté apprécie les préoccupations que Vous déclinez dans Votre lettre et aussi vos efforts à promouvoir l'amour et le respect pour le grand sacrement de l'Eucharistie ». J'ai reçu également des lettres de gratitude et d'estime de la part de plusieurs évêques et de certains cardinaux. Toutefois la grande majorité des réactions reconnaissantes et favorables a été celle de simples fidèles dont beaucoup de jeunes gens de toutes les parties du monde. Je conserve avec émotion u ne centaine de messages provenant de personnes d'âges et de nations diverses : une belle symphonie catholique d'hommage, de défense et d'amour pour Notre Dieu Eucharistique. Que Dieu fasse que la voix de ceux qui ont conservé l'intégrité de la foi eucharistique dans la pureté et la simplicité de leur cœur, la voix des petits et des « pauvres de Dieu » (Ps 33,7 ; Matt 5,3), devienne toujours plus forte, malgré la dérision et la marginalisation qu'ils doivent parfois supporter de la part des pharisiens et scribes modernes qui occupent quelques postes cléricaux. La question de la Communion dans la main est urgente. La voix des gens simples qui ont le cœur pur dans la foi et constituent une vraie périphérie ecclésiastique, sera exaucée par Dieu : « Les humbles ont vu et jubilent, cherchez Dieu et votre cœur vivra. Car Dieu a exaucé les pauvres » (Ps 69 ;33-34). Il semble que beaucoup d e personnes parmi le clergé, et parfois même parmi le haut clergé, n'ont pas saisi le mystère de la vraie grandeur Divine de la Sainte Communion et de l'urgence de la crise eucharistique. Toutefois les paroles suivantes du Seigneur sont pleinement applicables à l'actuelle crise eucharistique et surtout à la crise causée par la Communion dans la main : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants » (Matt 11,25).

(1) Corpus Christi, La communion dans la main au cœur de la crise de l'Église, juillet 2014, 116 pages, 13 €
Source: Renaissance catholique


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